Honorables invités,
Distingués membres de la CAP,
Chers consœurs et confrères,
Monsieur le ministre de la Communication,
Doyen Babacar DIAGNE, président du CNRA,
Notre hôte, M. le DG de la Maison de la presse Babacar TOURÉ.
La Coordination des Associations de Presse (CAP) a pris l’initiative de convoquer les Assises des médias, pour faire l’état des lieux de la presse et dégager des perspectives. Ces Assises des médias interviennent dans un contexte très particulier, qui fait planer de lourdes menaces sur la presse au Sénégal.
1) L’économie, qui est le fondement de toute activité humaine, n’est pas reluisante pour le secteur de la presse au Sénégal. Avec les effets conjugués du Covid-19, de la guerre en Ukraine, des manifestations de mars 2021 à juin 2023 et même de la léthargie prolongée liée à une fête de la Tabaski à rallonge, tout cela a eu un impact négatif sur la presse. Les entreprises de presse durant cette période ont perdu plus de 70% de leurs recettes, ce qui atteste d’un secteur en crise. Beaucoup d’entreprises de presse sont en situation de quasi-faillite. Sans des entreprises de presse viables économiquement, il ne saurait y avoir une presse libre et indépendante. Cette crise structurelle de la presse en appelle à la reformulation d’un modèle économique pour les médias. La presse est un garant de tout système démocratique. Les médias sénégalais ont su garantir la stabilité politique et sociale, permis l’éveil des consciences et le renforcement des valeurs nationales, créé les conditions de deux alternances politiques au Sénégal en 2000 et 2012, participé à la lutte des fléaux du coronavirus, d’Ébola ou autres pandémies telles que le choléra ou le paludisme, etc.
Aujourd’hui, cette presse républicaine est dans la survie. La presse ne nourrit plus son homme et les professionnels des médias, à tous les échelons, sont dans la précarité. Ces Assises des médias doivent permettre à toute la Nation, à l’État, à la société civile, aux citoyens de prendre conscience des enjeux d’une presse indépendante et libre, viable économiquement.
2) Les Assises des médias interviennent également dans un contexte où il y a au Sénégal de graves atteintes à la liberté de la presse et à la liberté d’expression. Les journalistes et les techniciens des médias Assises des médias sont violentés dans les manifestations publiques par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), qui les considèrent comme des malfrats, voire des ennemis à abattre. D’autres journalistes sont arrêtés et emprisonnés. Les coupures de signal des télévisions sont devenues courantes. L’internet et les réseaux sociaux suspendus. Ces atteintes à la liberté de presse et à la liberté d’expression sont des violations de la Constitution du Sénégal. Un pays avec une presse bâillonnée et embastillée est une menace pour la démocratie. Les journalistes et techniciens des médias ne sont pas des hommes politiques, ne sont pas des opposants. Ils ne servent pas les gouvernants, les partis politiques, les lobbys. Les médias libres et indépendants sont au service exclusif des citoyens, de l’État et de nos intérêts nationaux.
3) Dernier élément du contexte dans lequel se déroulent les Assises des médias, c’est l’état d’obsolescence technologique de la presse traditionnelle. La presse écrite, les radios, les télévisions et même les derniers venus, les sites internet, sont restés des médias du 20ème siècle, alors que nous sommes déjà au quart du 21ème siècle. Les problèmes actuels de la presse sénégalaise viennent en partie de sa perte d’audience avec la concurrence d’internet et des réseaux sociaux. En plus, la presse traditionnelle est cloisonnée dans nos frontières nationales. Pour rendre nos médias viables économiquement et compétitifs commercialement, il nous faut réaliser la transition numérique pour digitaliser nos contenus et nous ouvrir les marchés de la sous-région, du continent et du monde. L’État du Sénégal doit être conscient de ces enjeux pour aider au financement de la transition numérique. Cela permettrait de garantir notre indépendance stratégique et la promotion de nos valeurs culturelles.
En conclusion, la presse sénégalaise est pétrie de talents et de compétences et pourra continuer à garantir la stabilité politique et sociale, s’imposer au niveau international si on l’aide à y parvenir. Enfin, la presse ne doit pas être l’apanage des seuls professionnels des médias. Ce doit être l’affaire du citoyen, de la société civile, des confréries et de l’Église, de toutes les compétences, et bien sûr de l’État du Sénégal. Ces Assises nationales des médias sont à ce titre inclusives pour une presse au service du Sénégal et de tous les Sénégalais.
Mamadou Ibra KANE,Président du Conseil des Diffuseurs etÉditeur du Sénégal (CDEPS)